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LE ROMAN DU COMTE DE TOULOUSE.

ainsi que je m’explique ce singulier nom de Palanus donné par le roman français au comte, dont l’auteur a fait un comte de Lyon simplement parce qu’il écrivait dans cette ville.


Telle est, sous ses formes successives, cette belle et naïve histoire, où les sentiments les plus délicats et les plus élevés de la chevalerie apparaissent mêlés aux traits les plus sombres de la férocité et de la justice dérisoire des temps barbares. Peut-on lui découvrir une base historique et déterminer l’époque et le pays où elle a pris naissance ? Un savant allemand, M. Gustave Lüdtke, l’a essayé dans un livre où l’érudition la plus exacte est mise au service de la plus pénétrante ingéniosité. Bien que sa conclusion ne puisse pas être regardée comme absolument certaine, elle paraît au moins très plausible ; elle est en tout cas des plus attrayantes, et elle offre pour les Toulousains un intérêt tout particulier.

Les versions de notre récit qui dérivent du remaniement du poème français (groupe III) donnent au héros et à l’héroïne, on vient de le voir, les noms et les titres les plus divers. Mais le groupe catalan s’accorde avec le poème anglais (représentant le poème français antérieur) pour faire de la souveraine injustement persécutée une impératrice ; quant au héros, l’accord à son sujet du groupe catalan et du poème anglais est d’autant plus frappant qu’il n’apparait pas d’abord et ne se révèle qu’à un examen attentif : il s’agit dans le premier d’un comte (anonyme) de Barcelone, dans le second d’un comte Bernard de Toulouse ; or il a existé un comte de Barcelone qui a été en même temps comte de Toulouse, et ce comte s’appelait Bernard : c’est le célèbre fils du plus célèbre et plus glorieusement célèbre Guillaume de Toulouse (ou saint Guillaume de Gellone), Bernard, que nous appelons ordinairement duc de Septimanie, mais qui fut également à la tête des deux grands comtés séparés par cette province[1]. Une telle coïncidence peut difficile-

  1. Bernard, à vrai dire, n’est appelé expressément comte de Toulouse que dans un document peu ancien et dépourvu d’authenticité (voy. plus loin, p. 21, n. 3), mais il ne parait pas douteux qu’il l’ait été. Il fut mis à mort par Charles le Chauve devant Toulouse, où celui-ci l’assiégeait.