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G. PARIS

ment être fortuite. Si maintenant nous trouvons dans l’histoire de ce personnage quelque chose qui puisse être considéré comme ayant servi de base à la tradition poétique qui met en scène ici le comte de Barcelone, là le comte Bernard de Toulouse, nous aurons bien des chances d’être dans le vrai en croyant que le héros de la tradition est le personnage historique.

Or, précisément, il y eut, tout le monde le sait, entre Bernard et celle qui, de son temps, était assise sur le trône impérial des rapports qui ressemblent singulièrement ou qui, du moins, ont pu être considérés comme ressemblant à ceux qu’établit la poésie entre l’impératrice et le comte de Toulouse ou de Barcelone, Judith la seconde femme de Louis le Pieux, fut accusée, en 830, par un parti en tête duquel figuraient deux puissants seigneurs, Hugon et Matfrid, d’adultère avec Bernard, « camérier » du palais depuis 824, et fut de ce fait maltraitée, reléguée et emprisonnée. En février 831, le parti qui lui était favorable ayant repris le dessus, elle se justifia, dans une assemblée tenue à Aix-la-Chapelle, par un serment solennel. Bernard, qui, devant l’hostilité déchaînée contre lui, s’était retiré à Barcelone, n’assistait pas à cette assemblée ; mais il parut à celle qui eut lieu, en automne, à Thionville, et il offrit de soutenir par un combat judiciaire l’innocence de ses relations avec Judith : pas plus qu’à Aix contre l’impératrice, aucun accusateur ne se présenta contre lui ; quant aux deux comtes Hugon et Matfrid, ils avaient, du chef de haute trahison, été condamnés à Aix-la-Chapelle, et n’avaient dû la vie qu’à la clémence de l’empereur. Bernard ne fut pas toutefois réintégré dans ses fonctions de cour ; il retourna dans ses comtés de France et d’Espagne[1].

L’histoire, après tant de siècles, se déclare hors d’état de porter un jugement certain sur la nature des liens qui existèrent entre le duc de Septimanie et l’impératrice Judith. La

  1. Sur tous ces événements, voir Simson, Jahrbücher des frænkischen Reiches unter Ludwig dem Frommen (Leipzig, 1874–76), et autres historiens donnés en extrait par M. Lüdtke, pp. 209–217.