Page:Paris, Paulin - Commentaire sur la chanson de Roland, I.djvu/10

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M. Génin l’a pris aujourd’hui sur un autre ton. Apparemment il ne doit rien à personne, même à l’excellente édition qu’il copie. Il a pour M. Michel des réprimandes ordinairement mal fondées ; pour tous les autres antiquaires auxquels il grivèle le fruit de leurs veilles désintéressées, il n’a que des outrages. Par exemple, M. Le Roux de Lincy lui avait offert, dans un excellent travail sur l’ancienne version du Livre des Rois, tous les moyens d’expliquer le système orthographique du manuscrit d’Oxford ; malheur à M. de Lincy ! Ce n’est plus dès lors qu’un éditeur sans critique et sans portée. Quand il a soutenu (avec les meilleurs juges) que la version du Livre des Rois était en prose, il a commis une erreur grossière ; M. Génin lui apprendra qu’elle est écrite en beaux vers blancs de toutes mesures. — M. Delécluse s’était essayé sur le Roland, avait traduit le texte d’Oxford, l’avait accompagné d’observations neuves, ingénieuses, piquantes : il n’est pas nommé par M. Génin. — M. Francis Wey ne s’était pas borné à traduire, à analyser la chanson de Roncevaux : il avait fait un volume très-remarquable sur l’origine de la langue française ; et sans prétendre (comme M. Génin, deux ans plus tard) avancer des choses absolument nouvelles, il avait démontré que notre idiome remontait aux premiers jours de l’invasion romaine ; qu’il existait florissant dans une grande partie de la France dès le règne de Charlemagne ; que les preuves s’en retrouvaient dans les actes des conciles, dans les chartes, dans les chroniques contemporaines. En galant homme, M. Génin ne prononce pas même le nom de M. Francis Wey ; mais, avec la plus touchante modestie, il veut bien convenir que personne, avant lui, Génin, ne s’était avisé de poursuivre les commencements de la langue française au delà du onzième siècle, et qu’il allait, le premier, accomplir cette œuvre nouvelle et difficile. « Il s’est trouvé, dit-il, des savants pour discuter cette thèse, que l’italien de nos jours existait comme patois populaire, à côté du latin de Cicéron ; mais personne ne s’est encore présenté pour examiner si, dans les ténèbres du moyen âge, lorsque les classes lettrées se servaient encore d’un latin tel quel, le peuple, à côté d’elles, ne parlait pas déjà français. » Personne à l’exception de Pasquier, de Fauchet, de Du Cange, de Barbasan, des auteurs de l’Histoire littéraire, de Roquefort, d’Ampère, de Guessard, de Francis Wey, et de vingt autres. Cette prétention de M. Génin paraît assez dégagée ; mais retournons à la première édition.

Après le texte de la chanson et le fac-simile d’une page du vo-