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les parenthèses, pour suppléer les syllabes ou lettres oubliées ; les chiffres pour distinguer les couplets l’un de l’autre, et pour rendre les citations plus faciles. Autrefois chacun de ces couplets se chantait tout d’une haleine, et la dernière ligne était le signal d’un repos plus ou moins long[1]. Il est donc nécessaire de les bien séparer dans les éditions modernes. M. Génin, sans doute pour n’avoir pas toujours l’air de copier son modèle, a dédaigné cette règle importante. Il a fait une division en cinq chants, qui n’était indiquée dans aucun manuscrit ; il a mêlé les couplets, qui dans toutes les leçons manuscrites étaient divisés. Ainsi, plusieurs fois, les lignes qui formaient un couplet ont été rejetées au début d’un alinéa ; et bien plus encore, le quatrième chant et le cinquième commencent par des lignes qui appartiennent à la fin du vers ou couplet précédent. C’était là, de gaieté de cœur, détruire la disposition et toute l’économie de l’ancienne chanson de geste. Ajoutons qu’il a reproduit avec une extrême négligence les parenthèses de M. Francisque Michel, même quand il adoptait ses restitutions. Il en résulte qu’on ne peut plus distinguer, dans le texte critique, les mots fidèlement transcrits de ceux qui sont ajoutés par l’effet de conjectures plus ou moins justes. Cette incurie donnerait seule à la première édition une incontestable supériorité.

M. Francisque Michel finit par adresser des remercîments à tous ceux qui, de près ou de loin, par leurs travaux antérieurs, leurs encouragements ou leurs conseils, ont pu le servir dans cette publication difficile et dispendieuse. Loin de se plaindre de n’avoir pu intéresser le gouvernement à la publication de la Chanson de Roncevaux, « nous ne saurions, dit-il, terminer ces lignes sans faire éclater la joie que nous éprouvons en voyant l’étude de notre ancienne littérature se multiplier de jour en jour, et le gouvernement se joindre au public pour encourager ceux qui se livrent aux pénibles investigations qu’elle exige. Élançons-nous dans cette route, que d’autres ont ouverte ; les hommes d’élite nous tiendront compte de nos efforts. »

  1. Le mot couplet était même alors exprimé par celui de vers, comme la stance chez les Latins. Dans le Roman de la Violette, Gérard, déguisé en jongleur, ayant chanté un couplet formé d’une trentaine de ligne, le poëte ajoute :

    Ainsi leur dist vers dusqu’à quatre,
    Pour eus solacier et esbatre.

    C’est-à-dire, jusqu’à quatre couplets.