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Pyram étaient pour mes compatriotes : Turoldus, Pyramus, pour le monde entier. » (Ibid.)

Raison de plus de laisser Turoldus pour nous, qui ne sommes pas Normands. D’ailleurs, je conçois Pyram pour Pyramus, et Turold pour Turoldus ; mais Théroulde ! Vous n’auriez jamais adopté ce vilain nom, si M. Francisque Michel n’avait pas eu le bon sens de choisir Turold.

Il ne fallait pas dire non plus que l’auteur du Partonopeus se fût désigné au début du poëme. C’est le rimeur de la Vie de saint Edmund qui nous apprend son nom, Denis Pyramus, au commencement de cette légende ; mais comme, un peu plus loin, il citait l’auteur de Partonopeus et Marie de France, pour opposer leurs inventions aux vérités qu’il allait débiter, on a mal à propos confondu l’obscur légendaire anglais avec l’excellent poëte français qui composa Partonopeus de Blois. Il convenait de ne pas répéter une erreur très facile à reconnaître.

Qu’il me soit permis maintenant de donner mon avis sur le nom de Turoldus, dont la mention est particulière au manuscrit d’Oxford. La place qu’elle occupe à la fin du volume, dans un couplet qui ne paraît plus appartenir à la branche de Roncevaux, accuserait un copiste plutôt que l’auteur du poëme. Les trouvères, quand ils étaient connus, étaient ordinairement signalés par les jongleurs dans les premiers couplets. Ainsi Raimbert, en tête de l’Ogier ; Herbert le Duc, en tête du Foulque de Candie ; Jean Bodel, en tête des Saxons, etc., etc. Les copistes, au contraire, écrivaient leur nom tout à la fin de leur besogne, comme aurait fait ici le Théroulde de M. Génin.

D’ailleurs, l’usage de la terminaison latine pour les noms de personne, est anglais. Pyramus et Turoldus, s’ils avaient été de France ou seulement de Normandie, auraient écrit leurs noms comme on les prononçait, à l’instar de Wace, de Benoît, de Graindor, de Raimbert, de Chrétien de Troyes et d’Alexandre de Bernay. M. Génin ne voudra pas sans doute qu’un Anglais soit le chantre sublime de Roncevaux ; il est même assez malaisé de croire qu’il pût être Normand, puisque cette province est la seule en France qui n’ait pas fourni de héros aux chansons de geste.

« Pour peindre l’épuisement général, le poëte emploie un tour d’une naïveté homérique. Pas un cheval ne se put tenir debout : celui qui veut de l’herbe, il la prend en gisant. Ce cheval mérite une place à côté du chien d’Eumée. » (Pag. xiv.)