Page:Paris, Paulin - Commentaire sur la chanson de Roland, I.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26

troisième copie du Roncevaux, on y reconnaîtra probablement un nouvel accent, une nouvelle orthographe. Rétablissons donc la vérité : le manuscrit d’Oxford fut copié par un Anglo-Normand fixé depuis longtemps en Angleterre ; le dialecte anglo-normand différait beaucoup, au douzième siècle, des dialectes picard, champenois, parisien ou tourangeau, et nous ne saurions croire qu’à peine établis en France, les affreux Normands aient été nos maîtres d’éloquence et de bon usage.


Chapitre IV. — De la bataille d’Hastings et de Théroulde. — Ici la Chanson de Roncevaux n’est plus contemporaine de Louis le Débonnaire, de Charles le Chauve et de Charles le Simple ; elle va perdre deux ou trois siècles d’ancienneté, et nous être présentée comme l’ouvrage du précepteur de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie (1027-1087).

D’abord M. Génin nous parlera de Taillefer, « qui si bien chantoit ; » il citera le fameux passage du Roman de Rou. Il y joindra un extrait de la Chronique de Geoffroi Gaimar, déjà publié par M. Francisque Michel et par M. Augustin Thierry. Comme si l’histoire de la conquête de l’Angleterre n’était entre les mains de personne, M. Génin se croira le droit de dire avant d’y prendre cette page : « C’est un détail peu connu… J’ai cru devoir exhumer ces glorieux témoignages, en l’honneur d’une mémoire depuis si longtemps perdue (celle de Taillefer), comme celle de tant de héros ensevelis dans un oubli séculaire, carent quia vate sacro » (p. lxviii). Voilà, on en conviendra, un beau compliment adressé à M. Augustin Thierry. En tous cas, M. Génin n’aura pas dû « fouiller profondément » pour une exhumation de cette nature.

Il y a, dans le pays de Galles, un endroit nommé le Marais de Rhuddlan ; et la tradition rapportée par M. Augustin Thierry (Hist. de la Conquête, liv. iv, année 1070) fait de ce lieu le théâtre d’une grande bataille autrefois perdue contre les Saxons. Mais pour M. Génin ce marais devient les Pyrénées, et Rhuddlan se transforme en Roland. « Un souvenir de cette journée funeste se conservait encore dans le pays, il y a quelques années, » avait dit M. Thierry : « c’était un air triste, sans paroles, qu’on appelait l’air des marais du Rhuddlan. » M. Génin arrange cela comme on va voir : « Les soldats de Guillaume trouvèrent dans le pays de Galles un lieu appelé Roland… Et si l’on vou-