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Je vous demande encore la permission de citer ce que dit ailleurs le même Bernier :

Soiés prudent et bon combatéours,

Chascun remembre de son bon ancessour,
Jà ne vouroie, por une grant valeur,

Povre chanson en fust, par jougléor.

C’est assurément une de ces gestes faites sur le champ de bataille dont nous parle le légendaire du ixe siècle, auteur de la vie de saint Pharon de Meaux. Pharon, dit-il, jouissoit d’un si grand crédit auprès du roi Clotaire II, qu’il est nommé dans la chanson que l’on fit pour célébrer la victoire du roi contre les Saxons. Ce chant public, dit-il, voloit partout, et les femmes l’accompagnoient de leurs modulations : « Ex qua victoria carmen publicum juxta rusticitatem, per omnium pene volitabat ora ita canentium ; feminæque choros inde plaudendo componebant. » Ces mots : juxta rusticitatem, semblent bien vouloir dire que la chanson étoit composée dans la langue vulgaire, soit romane, soit thioise. Le légendaire en donne le passage suivant traduit par lui dans un latin calqué sur l’original rustique.

« De Chlotario est canere rege Francorum

« Qui ivit pugnare in gentem Saxonum,

« Si non fuisset Faro de gente Burgundionum. »


Puis les derniers vers :

« Quando veniunt missi in terra Francorum,

« Ubi erat princeps transeant per urbem Meldorum,

« Instinctu Dei, ne interficiantur a rege Francorum. »


Il est impossible d’admettre que ces lignes latines non mesurées aient été empruntées à la chanson originale. Ceux qui ont lu quelques chansons de geste n’auroient même pas de peine à les coucher en vers françois :

Or chanterons du riche roi Lohier,
Qui vers les Saisnes ala son ost guier,