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Tant mar i fussent de Sassoigne li més

No fust Farons de Borgoigne li ber....
Vont-s’en li més en la terre francor,

Miaus ont passé la cité de valor, etc.

De cette geste primitive, nous passerons à celle qui fut composée en mémoire de la victoire remportée sur les Danois par le jeune roi Louis III, fils de Louis le Bègue, en 881. Celle-ci, nous la possédons en thiois ou allemand, et vous verrez qu’il est impossible de ne pas en faire remonter la composition au lendemain de la victoire. Le temps ne me permet pas de vous la citer aujourd’hui, non plus que le précieux fragment, publié par M. de Reifenberg, d’une chanson de geste française sur le même événement ; chanson qui sans doute reçut quelques interpolations dans le xie siècle, mais qui devoit encore être en grande partie copiée sur l’original contemporain. Ce morceau précieux sera notre point de jonction entre la Chanson primitive et celle qui, composée de la réunion de plusieurs anciennes chansons historiques, est devenue la Geste des jongleurs du xiie siècle. Voyons maintenant comment on peut expliquer ce passage de la Chanson primitive à la Chanson de geste.

Plus l’usage étoit général de consacrer une chanson aux chefs morts dans les combats, plus ces chansons risquèrent d’être vite oubliées au profit de chansons plus nouvelles. À la fin d’un siècle, il n’en surnageoit qu’un petit nombre, et celles-ci devoient leur conservation soit à la grandeur des héros soit à celle des événements.

Combien n’avoit-on pas fait de chansons mémoratives sur les rois issus de Saint-Arnould de Metz ! On sait, dit le poëte Saxon contemporain de Louis le Débonnaire, combien de chants vulgaires célèbrent les ayeux de l’empereur Charles, combien vantent les Pepin, les Carle, les Loys, les Thierry, les Carloman, les Lohier.

« Est quoquo jam notum vulgaria carmina magnis
« Laudibus ejus avos et proavos celebrant,