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en existât d’autres, comment un simple trouvère, un jongleur de profession, leur contemporain, aurait-il eu à sa disposition une sorte de bibliothèque publique, qui lui aurait permis de profiter du livre d’Albert d’Aix, au moment même où des copies commençaient à peine à s’en répandre ; comment aurait-il pu comparer entre elles les diverses leçons de Tudebode, celle même qui n’avait pas été rédigée avant l’année 1140, ainsi que l’ont si bien établi les savants académiciens, éditeurs des Historiens des Croisades ? Richart, qui, par conséquent, eût été un grand latiniste, aurait même si bien profité de la comparaison de ces textes, qu’on « croirait, dit M. Pigeonneau, qu’il les avait tous deux sous les yeux, et qu’il les avait comparés et complétés l’un par l’autre ! »

Nous ne nous arrêterons pas à réfuter une thèse aussi paradoxale. Tudebode avant, comme Richart, accompagné les Croisés, avait dû nécessairement voir et rapporter bien des incidents qui avaient également frappé l’attention du pèlerin Richart, comme lui témoin oculaire. Tudebode a même sur le trouvère un avantage : il a tenu note de ce qu’il voyait, le jour même où il avait vu, tandis que Richart, suivant toute apparence, ne s’était mis à l’œuvre qu’à plusieurs mois de distance. Il est vrai que les thèmes de Tudebode n’ont pas tous le même avantage ; le premier et les derniers ont été ajoutés beaucoup plus tard : mais on peut admettre qu’ils furent tous envoyés d’Orient en France, en Allemagne, en Italie. Ce point va nous arrêter un instant.

Quatre textes ont été jusqu’à présent recueillis de l’œuvre de Tudebode. Ils diffèrent plus ou moins entre eux. Le plus sincère nous transmet le nom de l’auteur, Petrus Tudebodus sacerdos Sivracensis ou de Civrai en Poitou. Il porte à deux ou trois reprises un cachet vraiment personnel. Dans la grande édition académique des Historiens des Croisades, MM. Adolphe Regnier et Waddington semblent avoir parfaitement résolu cette question de priorité, jusque-là controversée ; tout en reconnaissant avec moi que plu-