Page:Paris, Paulin - Nouvelle étude sur la Chanson d’Antioche.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 22 —

sieurs passages ont été ajoutés dans quelques thèmes, et que tous ces thèmes ne remontent pas également au temps des événements racontés. Les autres textes sont anonymes. Le premier d’entre eux ne diffère de l’original que par des retouches de style et quelques omissions de faible intérêt. Le second est plus abondant en variantes ; le dernier multiplie les emprunts faits à Raimond d’Aguilers et à Foucher de Chartres. C’est celui que Dom Mabillon avait découvert en Italie. Dans ces additions est comprise la mention de la mort du jeune Boemond, prince d’Antioche, arrivée en 1139, et d’autres indices ne permettent pas d’en faire remonter la rédaction avant le milieu du douzième siècle. Il faudrait donc aussi rapporter à cette époque la date de la chanson d’Antioche, c’est-à-dire à l’époque incontestée de la substitution de la rime exacte à l’ancienne assonance.

On a regardé les trois derniers textes de Tudebode comme autant de plagiats ; c’est une accusation dont on abuse aujourd’hui, surtout à l’égard de gens qui ne se sont pas même nommés. Il semble plus naturel de voir dans la relation originale de Tudebode quelque chose d’officiel, dont on avait, dans le camp même des Croisés, communiqué plusieurs copies. Avant d’être envoyées en Europe, par l’intermédiaire des Byzantins ou des navires génois, ces copies purent recevoir des modifications plus ou moins graves, rien n’obligeant ceux qui en avaient pris connaissance à conserver l’original dans sa parfaite intégrité. Ainsi on corrigeait les plus apparents barbarismes ; on supprimait ce qui pouvait déplaire à ceux auxquels l’envoi était destiné ; on ajoutait ce qu’on avait regretté de ne pas trouver dans la première rédaction. L’exemplaire adressé aux Longobards fut soumis à de plus nombreuses additions, puisées à d’autres sources ; mais tout cela sans qu’on pût accuser les auteurs de ces additions d’avoir voulu s’approprier l’œuvre d’autrui. Ne croyons pas que cette armée, enflammée d’une ardeur si religieusement poétique, eût oublié le soin de sa propre renommée au point de ne pas veiller à ce qu’on allait ra-