Page:Paris, Paulin - Nouvelle étude sur la Chanson d’Antioche.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 42 —

soin de faire ces rapprochements, tâche des plus longues et des plus fastidieuses. J’ai donc comparé entre eux les textes auxquels on nous renvoyait, et j’ai acquis ainsi le droit, j’en demande pardon à M. Pigeonneau, d’affirmer que rien de ce qu’on trouve dans Albert et dans Tudebode ne peut avoir été connu et par conséquent imité par le pèlerin Richard. Mon intention était d’abord de donner le résultat complet de ce travail de comparaison ; au dernier moment, j’ai craint de fatiguer l’attention de mes bienveillants lecteurs, et je me contenterai de citer quelques exemples de la façon dont les textes ont été appréciés. Je ne choisirai pas ; je m’en tiendrai aux quatre premiers prétendus plagiats. Par eux, on pourra juger de tous les autres.

1. La concordance entre Albert d’Aix commence au début même du poëme. Le récit du pèlerinage de Pierre l’Ermite à Jérusalem, de sa vision miraculeuse, de ses entretiens avec le patriarche, se retrouve presque mot pour mot dans le premier livre d’Albert d’Aix.

Il est fâcheux que dans la Chanson de Richard il n’y ait pas un mot de tout cela. M. Pigeonneau savait bien que Graindor, pour compléter l’histoire de la première croisade, en avait demandé les incertains détails, non pas à Albert d’Aix, mais à la Chanson des Chétifs ; et c’est dans cette chanson des Chétifs que se retrouve le fameux passage : « Là s’apparut de Dieu la majesté. » Il offre en effet une conformité sensible, quoique peut-être fortuite, avec le cui in visu majestas domini oblata est d’Albert d’Aix. Albert le devait-il aux Chétifs ; ou l’auteur des Chétifs l’avait-il emprunté d’Albert, peu nous importe, puisque le pèlerin Richard n’est pour rien dans cette revendication. Le savant professeur oublie encore ici ce qu’il avait lui-même reconnu : « la Chanson des Chétifs est une œuvre distincte, qui ne fut probablement fondue avec celle d’Antioche qu’à l’époque où Graindor remania et rajeunit ce poëme » (p. 28). Et plus loin : « Nous n’hésitons pas, d’accord avec M. P. P., à considérer cet épisode comme une interpolation dont toute la