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faveur de la date primitive et de l’originalité de la Chanson d’Antioche. M. Pigeonneau pense donc que Richard n’avait fait qu’un plagiat parfois abrégé, souvent textuel, du livre d’Albert d’Aix et des thèmes de Tudebode comparés entre eux. « Les hasards du récit » dit-il, page 27, « ne suffiraient pas pour expliquer la parenté tout à fait intime qu’on reconnaît au premier coup d’œil, entre le texte de la Chanson d’Antioche et ceux de l’anonyme de Bongars et d’Albert d’Aix. »

Cette parenté tout à fait intime est, en réalité, tout à fait imaginaire. Les « hasards du récit » sont les événements mêmes dont il ne dépendait pas des historiens sérieux et sincères de déranger l’ordre et les résultats ; car il n’est pas ici question d’une œuvre de fantaisie, d’un roman dont la trame est laissée au choix des auteurs. Il est donc vrai qu’après avoir conduit les Croisés à Constantinople, Richard comme Albert et comme Tudebode les accompagne à Nicée, dans le val de Gurhenie (que les critiques modernes ont arbitrairement placé dans le voisinage de Dorylée), à Tarse, à Ertesi, à Mopsueste ou Malmistre, à la Mare, à Antioche. Je ne vois pas d’autres témoignages à l’appui des plagiats qu’on lui reproche. Peu importe pour M. Pigeonneau qu’à Constantinople, à Nicée, à Gurhenie, à Tarse, à Édesse, à Antioche, Richard ait autrement raconté, autrement apprécié les faits et les incidents qui avaient été les uns mentionnés, les autres omis par les différents chroniqueurs ; il suffit qu’il se soit rencontré avec eux sur le même terrain, pour mériter d’être accusé de leur en avoir emprunté la première révélation.

Et l’on ne se contente pas de lui reprocher de les avoir présentés dans le même ordre, on ajoute : « qu’il l’a fait souvent dans les mêmes termes, » sans citer le moindre exemple de cette répétition. Si l’on avait mis sous nos yeux un seul de ces passages, déclarés « identiques et presque textuels, » la cause eût été entendue, le jugement ne se serait pas fait attendre. Mais M. Pigeonneau nous a laissé le