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de la société française aux onzième, douzième et treizième siècles. Il me suffit d’avoir prouvé que mon contradicteur dont j’aime à reconnaître ici l’excellent style et le rare mérite, avait choisi, pour obtenir les palmes du doctorat, un sujet de thèse qui devait mettre son jugement critique à une trop rude épreuve. Lui-même semblerait l’avoir compris, quand avant d’achever son rude travail, labor improbus, il a reconnu à plusieurs reprises l’intérêt historique et poétique de l’ancienne et curieuse chanson dont il avait commencé par contester la valeur historique et littéraire. J’ai tiré grand profit de cette sorte d’amende honorable. C’est ainsi qu’après avoir accusé le pèlerin Richard de négliger, par ignorance, l’itinéraire des Croisés, M. Pigeonneau l’a représenté comme ayant été mieux instruit qu’aucun historien contemporain de la situation des lieux, et de leurs distances respectives. Après lui avoir reproché d’emprunter aux autres chroniqueurs de la Croisade tout ce qu’il avait recueilli dans sa chanson, il reconnaît qu’on y retrouve un grand nombre de faits qu’on chercherait en vain chez les autres chroniqueurs. Je crois donc que M. Pigeonneau serait revenu sur ses pas, et qu’il aurait même entrepris de soutenir la thèse contraire, si le temps ne lui eût manqué. Alors, en faveur de l’originalité, du mérite, et de l’importance historique de la Chanson d’Antioche, il eût ajouté son précieux témoignage à celui que n’ont pas hésité à lui rendre et le judicieux historien de la première Croisade, M. Peyre ; le savant explorateur des antiquités syriennes, M. de Saulcy ; enfin les éminents académiciens, éditeurs du grand recueil des Historiens des Croisades. C’est à ces juges, dont personne ne récusera l’autorité, qu’il conviendra de décider ce qui peut rester de la thèse contre laquelle je viens de m’inscrire. Et M. Pigeonneau, j’en ai la conviction, n’hésitera pas à s’incliner comme moi devant le jugement en dernier ressort qu’ils croiront devoir en porter.

P. P.