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Rien ne prouve mieux la date reculée et la longue vogue de la Chanson d’Antioche que ce remaniement de Graindor entrepris un siècle plus tard. Si le poëme original eût appartenu, je ne dirai pas à la fin, mais seulement au milieu du douzième siècle, on n’aurait pas senti le besoin de le rajeunir. Le Roman de Rou, conservé dans sa première forme, nous atteste que les conditions de la versification étaient déjà telles en 1150 qu’on les retrouve, à partir de là, dans les dernières chansons de geste. Il n’en avait pas été de même des Chansons de Roncevaux, d’Ogier le Danois de Guillaume d’Orange, des Quatre fils Aimon et d’Alexandre de Macédoine, qui composaient le répertoire des jongleurs avant les Croisades. Je ne m’étendrai pas sur ce point, puisque les critiques les plus disposés à contester la première date de l’Antioche admettent cependant que, dans sa forme originale, elle appartenait encore au premier tiers du douzième siècle.

Trois des six manuscrits, où je l’avais trouvée ainsi renouvelée, conservent à la suite treize couplets d’un style plus ancien, où la rime exacte n’a pas été substituée à l’assonance primitive. Ces couplets semblent bien être encore l’œuvre de l’auteur de la Chanson d’Antioche, et donneraient ainsi le moyen de conjecturer quel avait été le poëme non remanié. On doit présumer que leur auteur n’avait pas eu l’intention de s’arrêter là, et qu’il eût voulu conduire les Croisés au terme de leur grand et pénible voyage : mais le dernier des treize couplets les laisse dans Rames ou Ramla, ville voisine de Jérusalem. Or l’intérêt qui s’attachait à la marche des Croisés, d’Antioche à Rames, était, on le comprend, inséparable du récit de leur entrée

    reconnaître avec moi que Graindor, en touchant à la forme, avait respecté le fond de la chanson de Richart. « Je le reconnais, dit-il, en considération d’arguments que M. P. P. a eu le tort de ne pas invoquer. » Ces arguments, M. Pigeonneau ne les révèle pas, mais je suis trop heureux de son assentiment pour me plaindre de la façon dont il l’exprime.