Page:Paris, Paulin - Réimpression d’anciennes facéties.djvu/10

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homme tres-ingenieux et eloquent, et les aristoteliques… Le plus fort argument de ses aduersaires estoit qu’il falloit suyure la commune. Et trestons ces petits chiardeaux d’humanistes ne faisoient que crier que Plus vident oculi, quam oculus Mais les ramistes à beaux rameaux de sapience, se defendoient gaillardement… Ie les laisseray en ce combat, comme feit Gaudichon, et s’ils attendent que je les en jette, ils ont beau loisir de se tourmenter. » Le troisième cas fut la venue de Charles-Quint, empereur, en France, à la tête d’une nombreuse armée. Ces circonstances fixent la moitié du 16e siècle comme la date de composition de la Mitistoire barragouyne.

Il y a ici, de plus que dans Rabelais, une critique assez fine des écrivains du temps. Guillaume des Autelz leur reproche de parler sérieusement des Faunes et des Sylvains, d’employer des expressions bizarres et de supposer que la seule occupation des hommes soit de faire l’amour. Gaudichon, apercevant un édifice sur le sommet d’une montagne, « demanda quel chasteau c’estoit là, et luy fut respondu que c’estoit Helicon : dont il fut bien joyeux : puis entra dedans, où il trouua les Muses habillées en femmes impudiques. Dequoy il s’esmerueilla fort… Et luy fut de nouveau respondu, qu’Apollo n’y estoit plus, et que Cupido auoit par cautelle trouvé moyen d’occuper la place, tellement que les Muses estoient maintenant les plus grandes paillardes qui fussent au demourant du monde, et ne pouvoient plus dire à Venus :

« Cupido, le tien enfant doux
Ne vole point aupres de nous, »

Les explications que Gaudichon donne ailleurs, moitié riant, moitié sérieusement, des signes dont les juristes font usage, comme ff. pour digestis, et § pour paragrapho ; de leurs distinctions de digestum vetus — novum et infortiatum, nous ont paru fort bonnes, ou du moins très-ingénieuses. En résumé, la Mitistoire barragouyne offre une lecture instructive quand elle n’est pas obscène ; digne, à tout prendre, de figurer dans un bon rang parmi les livres de haulte gresse dont Rabelais fournit le modèle incomparable. M. Veinant a pu consulter pour son élégante réimpression, achevée le 14 novembre 1860, les deux