Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/26

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chômait pas pour si peu : elle n’en était que mieux et plus solidement fournie de traditions remontant aux plus lointaines origines et rassemblées de toutes parts : traditions d’autant plus attrayantes qu’elles avaient traversé de longs espaces de temps et de lieux, en s’y colorant de reflets qui les douaient d’une originalité, distincte. Les jongleurs avaient à leur disposition des chants de toutes les mesures, des récits de tous les caractères. Pour être assurés de plaire, ils devaient savoir beaucoup, bien chanter et bien dire, respecter l’accent dominant des masses auxquelles ils s’adressaient, posséder l’art d’alimenter l’attention sans la fatiguer. La profession offrait d’assez grands avantages pour entretenir entre ceux qui l’avaient embrassée une émulation salutaire, et pour les obliger à chercher constamment des sources nouvelles de récits et de chants. Aussi n’avaient-ils pas tardé à s’approprier les principaux lais de Bretagne comme les plus agréables contes de l’Orient, en imprimant à ces glanes plus ou moins exotiques la forme française d’un dit, d’un fabliau, d’un roman d’aventures.

L’ancienneté incontestable et la priorité des lais bretons sur les romans de la Table ronde résout une des difficultés qui m’avaient longtemps préoccupé. Comment expliquer, me disais-