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HISTOIRE D’IPOCRAS.

sur le pilier, durant une nuit des plus sombres, toute la ville la vit flamboyer le lendemain aux premiers rayons du soleil. Ce fut pour tous un nouveau sujet de surprise et de chuchotements qui tournaient encore à la honte d’Ipocras : on se souvenait de son aventure, on se demandait qui pouvait l’avoir aussi bien représentée. L’empereur était alors absent de la ville : quand il y revint, un de ses premiers soins fut de paraître aux fenêtres avec Ipocras. Ayant arrêté les yeux sur les deux images : « Quel sens a cette nouvelle table, » dit-il au philosophe, « et qui a pu oser la placer sans mon ordre ? — Ah ! Sire, » répondit Ipocras, « n’y voyez-vous pas l’intention d’ajouter à ma honte ? Si vous m’aimez, ordonnez, je vous prie, que la table et les statues soient abattues sur-le-champ ; autrement, je quitterai la ville et vous ne me reverrez jamais. »

L’empereur fit ce qu’Ipocras désirait, et c’est ainsi qu’on perdit le souvenir du séjour du grand médecin dans la ville et de ses merveilleuses guérisons. La dame ne s’en félicita que plus d’avoir réduit à néant la renommée de celui qu’on disait le plus sage des hommes. Pour Ipocras, on ne le vit plus rire et se jouer avec les dames : il restait dans sa chambre et répondait à peine à ceux qui se présentaient pour jouir de son entretien. Un jour qu’il était