Aller au contenu

Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 2.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
LE ROI ARTUS.

les deux rois, le seigneur, la dame et les trois pucelles ; il avait pris la figure d’un jouvenceau de quinze ans, vêtu d’une cotte courte mi-partie de blanc et vermeil ; une ceinture de soie, large de trois doigts, retenait en avant son aumônière de rouge samit à or battu, en arrière un gant blanc. Il avait les cheveux blonds et crêpés, et les yeux verts comme faucon. Il servait à genoux, tantôt devant le roi Ban, tantôt devant le roi Bohor ; et chacun se plaisait à le regarder, les gens du château le tenant pour un sergent des deux rois, et les rois pour un varlet du châtelain. Les deux nièces d’Agravadain n’étaient pas moins surprises de sa grande beauté et de sa bonne grâce : mais la fille du châtelain avait les yeux sur le roi Ban et ne regardait que lui, par l’effet invincible de la conjuration. Elle pâlissait, elle changeait de couleur, elle désirait voir les tables levées, tant l’amour déjà l’agitait de ses poignantes angoisses : « Ah ! » se disait-elle, « heureuse qui le pourrait tenir entre ses bras ! » Puis, toute honteuse, elle se demandait en pleurant d’où pareille pensée pouvait lui venir, et comment elle ne songeait pas à autre chose.

Si la pucelle éprouvait une telle émotion, le roi Ban n’était pas en moindre malaise. Il lui fallut laisser une partie de son rire et de son enjouement ordinaire. Il ne comprenait pas