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LE CHÂTEAU DES MARES.

d’où lui venaient telles pensées et tels désirs : car il avait épouse jeune et gente, non moins belle que la fille d’Agravadain ; pour rien au monde il n’eût voulu manquer à la foi qu’il lui devait. D’un autre côté, n’était-il pas l’hôte d’un noble et courtois chevalier, qui lui faisait tout l’honneur qu’il pouvait désirer ? ne l’accuserait-on pas de trahison et de déloyauté s’il venait à faire honte et vilenie à tel prud’homme ? Et quel plus grand outrage que de ravir l’honneur de sa propre fille ? Ces pensées le tourmentaient cruellement, si bien que, malgré le charme jeté sur lui, il résolut de ne faire aucune honte à son hôte et de résister aux pointes qui le transperçaient.

Or Merlin n’ignorait pas le combat que la loyauté du roi livrait à son amour, et il dit entre ses dents qu’il n’en serait pas ainsi : « Il y aurait trop grand dommage à les laisser en ce point ; car leur union passagère doit produire un fruit dont la Bretagne sera grandement honorée : mieux vaut à tout prendre que cet enfant vienne au monde. En dépit des résolutions du roi, je connais assez la force de l’enchantement pour être sûr qu’il ne repoussera pas la pucelle quand elle viendra d’elle-même à lui. Le souper n’était cependant pas achevé ; Ban et la pucelle continuaient à se regarder en pâlissant et muant