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lancelot du lac.

elle voit son fils entre les bras d’une demoiselle qui le serre tendrement sur son sein, en lui baisant la bouche et les yeux. « Belle douce amie, » lui dit la reine, « pour Dieu ! rendez-moi mon enfant. Il est assez malheureux d’avoir perdu son père et son héritage. » À toutes ses paroles, la demoiselle ne répond mot mais, quand elle voit la reine avancer de plus près, elle se lève avec l’enfant, se tourne vers le lac, joint les pieds et disparaît sous les eaux.

La reine, à cette nouvelle épreuve, voulut s’élancer et suivre dans le lac la demoiselle : mais le valet qui s’était hâté de revenir la retint de force ; elle s’étendit sur l’herbe, perdue dans les sanglots. En ce moment vint à passer près de là une abbesse accompagnée de deux nonnes, d’un chapelain, d’un frère convers[1] et de deux écuyers. Des cris frappant son oreille, elle se détourna pour aller vers le point d’où ils partaient. Quand elle vit la reine : « Dieu, madame, vous donne joie ! dit-elle. — Hélas, il n’est pas en son pouvoir de consoler la plus malheureuse femme du monde. J’ai perdu toutes les joies, tous les honneurs. — Dame, qui êtes-vous donc ? — Une dolente qui a trop vécu. » Le chapelain tirant alors l’abbesse par la guimpe : « Croyez-moi, madame, dit-il, cette dame est

  1. « Un rendu ».