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lancelot du lac.

votre chevalier. Puis je dis : Adieu, dame ! et vous avez répondu : Adieu, beau doux ami. Ce mot, depuis, ne m’est pas sorti du cœur. Ce mot me fera prud’homme, si jamais je le dois être, et je ne me suis jamais trouvé en aventure de mort sans m’en souvenir. Ce mot m’a conforté dans tous mes ennuis ; ce mot m’a guéri de toutes douleurs, m’a sauvé de tous dangers. Ce mot m’a nourri dans mes faims, m’a enrichi dans mes pauvretés. — Par ma foi ! dit la reine, le mot fut dit de bonne heure, et Dieu soit loué de me l’avoir fait dire. Mais je ne le prenais pas tant au sérieux ; souvent je l’ai dit à d’autres chevaliers par simple courtoisie : vous l’avez entendu autrement ; bien vous est venu, puisqu’à vous en croire, il a fait de vous un prud’homme. Ce n’est pourtant pas la coutume parmi les chevaliers de prendre telle parole à cœur, et d’imaginer qu’ils soient, à compter de là, retenus par une dame. D’ailleurs, je vois bien à vos yeux, à vos regards, que vous avez mis votre amour dans une de nos deux voisines ; car vous avez pleuré, quand vous avez pu croire qu’elles vous entendaient. Dites-moi donc, par la foi que vous devez à la chose que vous aimez le plus, à laquelle des trois vous êtes engagé d’amour. — Ah ! ma dame, je vous crie merci : jamais l’une ou l’autre n’eurent le moindre pouvoir sur mes