Page:Paris, Paulin - Vente d’une partie de la bibliothèque de M. de Monmerqué.djvu/3

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 2 —

commence à rassembler des livres, on aime à les voir prendre, dans le logis, la meilleure place, s’y pavaner avec orgueil, indépendance ; et tandis que les bourgeois disent : « Voilà un local bien mal employé ; ne pouvait-on serrer ici de la vaisselle, des habits, du linge ; étaler là des médaillons de plâtre, des lithographies, des statuettes de carton-pierre ? » le bibliophile répond : « Je préfère à tout cela mes livres ; plaise à Dieu que ma maison soit pleine un jour de ces véritables amis ! » Il dit, et le vœu imprudent ne tarde pas à être exaucé. Le cabinet d’étude est bientôt occupé, puis l’arrière-cabinet, puis les couloirs, les corridors. Une pièce servait de petit salon ; les livres s’y introduisent ; on y pratique graduellement des armoires et des cachettes ; les dessus de portes étaient décorés de charmants tableaux champêtres ; on enferme les paysages dans un vaste réseau de Mercure galants. Quand tous les domaines du mari sont envahis, on frappe chez la maîtresse de la maison ; car, d’ordinaire, le bibliophile est ou devient mari, la passion des ouvrages d’esprit amenant naturellement le besoin d’une conversation enjouée, délicate, ingénieuse ; et, à cet égard, M. de Monmerqué pouvait-il mieux rencontrer qu’en s’alliant avec Mme de Saint-Surin, qui s’est fait connaître par plusieurs de ses ouvrages spirituels, tels que le Miroir des salons, l’Hôtel de Cluny, Paul Morin, couronné par l’Académie française, et tout récemment par ses Tablettes de voyage, contenant le récit de la visite de M. et de Mme de Monmerqué aux Rochers de Mme de Sévigné. Ce joli opuscule, donné d’abord à des amis, a été si bien accueilli qu’une seconde édition est devenue nécessaire, et va paraitre chez Le Doyen, au Palais-National, avec addition de lettres éparses de Mme de Sévigné, de sa famille et de ses amis, qui n’ont pas fait partie des précédentes éditions.

Or, quelles que soient les dispositions littéraires de la dame de céans, elle ne verra pas sans une sorte de terreur l’arrivée menaçante de tant de volumes en bataillons serrés.