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Page:Paris, Paulin - Vente d’une partie de la bibliothèque de M. de Monmerqué.djvu/4

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Leur a-t-elle, cependant, ouvert le boudoir ? Ils s’y précipitent, sans penser que le boudoir n’avait pas été fait pour eux. Ils vont au delà ; rien n’est à l’abri de leurs indiscrètes tentatives. Charles Nodier avait toujours dix volumes sous la taie de son oreiller, et c’est, je m’en souviens, à la suite d’une explication avec l’indulgente et aimable Mme Nodier, que l’illustre bibliophile comprit la nécessité de sa première vente. Mais reprenons notre propos. Nous avons laissé les livres dans la chambre à coucher, les voilà dans le salon ; chaque jour une nouvelle glace est supprimée à leur profit; chaque jour ils exigent la libre disposition de nouveaux guéridons, tables et consoles.

Enfin, il faut s’armer d’une vigueur salutaire contre une pareille inondation ; la disposition du foyer domestique l’exige, la justice le réclame ; pour sauver le tronc on sacrifiera la moitié des branches et l’on donnera congé aux doubles, à la curiosité, aux livres qu’on ne consulte plus et dont on a tiré la substance. Tels sont donc les livres dont M. de Monmerqué consomme aujourd’hui le sacrifice. Quelque restreint qu’il soit, peut-être ne l’eût-il pas fait si l’horrible malheur qui l’a privé d’un fils chéri ne lui eût ôté l’espoir de voir toutes ses prédilections littéraires perpétuées dans sa famille. Avec quel bonheur le célèbre éditeur de Mme de Sévigné et de Tallemant des Réaux n’eût-il pas remis à cet autre lui-même la partie de sa chère bibliothèque dont il se sépare aujourd’hui ! Mais, après tout, il n’avait pas écrit en tête de chacun de ses volumes la devise célèbre de feu Pixérécourt :

Un livre, est un ami qui ne change jamais.

Ceux dont M. de Monmerqué vient de publier le catalogue sont généralement recommandables ou par leur rareté, ou par leur importance historique, philologique et littéraire. Chaque soir, on s’en dispute la possession avec l’a-