Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
FRANÇOIS VILLON.

pas encore exprimée avec autant d’aisance et de légèreté. Cette production futile, qu’on s’étonne de voir éclore à la cour de France, — alors réfugiée à Issoudun, — en 1424, c’est-à-dire au moment où le royaume était plongé dans la plus affreuse détresse matérielle et morale qu’il ait connue, eut dès son apparition et dans ce milieu même, ce qui surprend encore davantage, un succès incomparable. On y fît des réponses qui amenèrent des répliques ; on l’imita de toutes façons ; nous en retrouvons partout, et jusqu’au xVIe siècle, l’influence et l’inspiration. Villon lui-même, nous le verrons, n’a pas tout à fait échappé à cette influence ; mais elle n’a porté que sur la partie la plus caduque et la plus extérieure de son œuvre[1].

Un autre poète qui aurait pu agir sur lui est Martin Le Franc. Il avait composé en 1441 son Champion des dames, œuvre singulière et par endroits vraiment géniale, écrite dans la forme des poèmes d’Alain Chartier, où l’auteur, sous prétexte de repousser les attaques de Jean de Meun contre les femmes, enferme dans le cadre factice et gênant d’un débat toutes les digressions qui lui passent par la tête, imitant ainsi celui même qu’il combat. Il ressemble d’ailleurs en beaucoup de points à Jean de Meun. Comme lui il écrit au sortir de l’école, la tête toute débordante d’érudition et d’idées ; comme lui

  1. Martial d’Auvergne, le plus élégant des imitateurs d’Alain Chartier, n’a pas dû être connu de Villon. Il était un peu plus jeune que lui, étant né vers 1433, et n’a sans doute écrit ses poèmes galants et ses Arrêts d’amour qu’après 1460.