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L'ŒUVRE.

saient parfois trembler son rire. Puis il n’y a presque aucune chance pour que Villon ait connu le Livre de la prison de Régnier : c’était un recueil fait pour le poète lui-même et les siens, et qui ne dut pas sortir d’un cercle étroit ; on n’en possède aucun manuscrit, et c’est par un grand hasard, — hasard heureux, car c’est un « document humain » de premier ordre, — qu’il fut imprimé à Paris en 1526. D’ailleurs aucune des œuvres antérieures à Villon ne présente l’idée toute particulière des « legs », qui fait le fond des deux poèmes de Villon, et qui lui appartient bien. Elle n’a pris chez lui tout son développement que peu à peu, et c’est précisément ce qui montre qu’elle est bien à lui. Les Lais (legs), qu’il écrivit en 1456, n’en contiennent encore que le germe. Au moment de partir pour Angers — on sait ce qui l’y conduisait — il s’amusa à faire son testament, ce qu’on faisait souvent au moment d’entreprendre un long et périlleux voyage, dont on n’était pas sur de revenir :

Et puis que départir me faut
Et du retour ne suis certain…
Vivre aux humains est incertain,
Et après mort n’y a relais[1],
Je m’en vois en pais lointain,
Si establis ces presens lais.

Suivent des legs au nombre de trente-six : à maître Guillaume de Villon, à sa belle, qu’il ne nomme pas, à maître Ithier Marchant, à Saint-Amant, à Blaru, aux curés, à Robert Valée, à Jaquet Cardon, à « ce noble homme Régnier de Montigny », au seigneur de

  1. Après la mort il n’y a plus de remise.