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Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/153

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L'ŒUVRE.

et toutes sont sincères et vraies. Il en voit tous les inconvénients, tous les dangers, tous les mécomptes, mais il en sent la force irrésistible ; c’est lui-même qu’il peint quand il dit :

Mais que ce jeune bacheler
Laissast ces jeunes bacheletes ?
Non ! et le deust on vif brusler
Comme un chevaucheur d’escouvetes[1].


Il dit tout le mal possible de l’amour dans la double ballade citée plus haut, il juge les femmes à peu près comme Jean de Meun, et il est même plus injurieux pour « sa chère Rose », car il la met au rang de ces femmes qu’on n’aime que « pour l’heure », qui n’aiment que pour l’argent

Et rient lorsque bourse pleure ;


il lui lance ce trait sanglant :

Item, m’amour, ma chiere Rose,
Ne lui laisse ne cuer ne foie ;
Elle ameroit mieux autre chose.
Combien qu’elle ait assez monnoie :
Et quoi ? une bourse de soie,
Pleine d’escus, parfonde et large ;
Mais pendu soit il, que je soie,
Qui lui laira escu ne targe[2] !


Et il déclare en termes cyniques qu’il ne la désire même plus et renonce volontiers à elle, au profit de galants qui sauront mieux la satisfaire.

  1. . Un chevaucheur de manches à balai, un sorcier.
  2. . Jeu de mots sur les deux sens d’escu, dont le premier permet de lui associer large, « long bouclier ». C’est de même qu’il dit de l’évêque d’Orléans : Je ne suis son serf… ne sa biche. C’est un genre de plaisanterie qui était déjà populaire au xIIIe siècle, et qui n’a pas cessé de l’être (cf. p. 15).