Au milieu de tous ces blasphèmes contre l’amour, — qui ne sont jamais proférés que par ceux qui en sont les adorateurs, — se trouve le triste et doux souvenir d’un attachement d’un autre ordre que ceux qui ont pour lui un si âcre relent : s’il accuse, cette fois, celle qu’il a aimée, c’est pour lui avoir laissé concevoir une espérance qu’elle n’avait pas l’intention d’accomplir. J’ai cité ce morceau en écrivant la vie du poète : il est simple et touchant, et on regrette qu’il l’ait gâté en poussant à l’excès (à la façon de Rabelais) l’énumération, sous forme de métaphores triviales, des illusions que lui faisait concevoir sa maîtresse. Néanmoins il y a là un sentiment sérieux, car il s’agit certainement du même amour que dans le premier poème, et on est surpris de voir l’impression en persister aussi longtemps, et aussi vive, dans le cœur mobile de notre poète.
Tous ces souvenirs le décident à une déclaration de guerre en forme contre l’amour, qu’il renie et délie :
Ma vielle ai mis sous le banc[1] ;
Amans je ne suivrai jamais :
Se jadis je fus de leur ranc,
Je déclare que n’en suis mais.
Car j’ai mis le plumait au vent :
Or le suive qui a entente
Mais il oublie cette bravade par la suite. Dans l’épitaphe qu’il se compose, il prie les amants de dire un « verset » pour l’âme de celui
Qu’Amour occist de son raillon[2],