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LE SUCCÈS.

et idéalisent, suivant lui, cette physionomie. Il considère qu’il se forme autour de Villon une « légende », grâce à laquelle ses qualités sont amplifiées, ses obscurités passant pour des profondeurs et ses défauts pour des traits de génie ; il le réduit à peu près à être une sorte de chansonnier grivois et malin, — tout en lui reconnaissant, presque à contre-cœur, des dons supérieurs à ceux-là, — et se refuse surtout à croire à sa mélancolie. « C’est un cri de damné ! » avait dit le bon Campaux après avoir transcrit avec horreur quelques vers de la ballade de la Grosse Margot. Sainte-Beuve proteste contre une telle exagération et pense que Villon « but avec plaisir jusqu’à la fin le vin dont il s’enivrait ». Mais vraiment, s’il avait relu telle ou telle strophe du Testament, — une de celles par exemple que cite Gautier, — il aurait vu que le poète a bien souvent senti l’amer déboire du vin dont il s’enivrait et a poussé sur lui-même une lamentation sinon satanique, au moins sincère et désolée. Le grand critique, si habile à pénétrer les replis des âmes et à discerner les nuances des talents, s’est trouvé cette fois, je le crains, être un peu superficiel.

Mais sa réserve n’arrêta pas le courant toujours grossissant de la renommée rajeunie du poète parisien. En 1875, A. de Montaiglon donnait à l’appréciation moderne de la poésie de Villon une forme à peu près définitive : « On ne dira jamais assez à quel point le mérite de la pensée et de la forme y est inestimable — La bouffonnerie, dans ses vers, se mêle à la gravité, l’émotion à la raillerie, la tristesse à la débauche ; le trait piquant se termine avec mélancolie ; le sentiment