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LA VIE.

auprès de celle qu’il aimait et qui le laissait toujours espérer ce qu’elle n’avait pas l’intention de lui accorder jamais :

Quoi que je lui voulsisse dire,
Elle estoit preste d’escouter,
Sans m’acorder ne contredire ;
Qui plus[1], me soufroit acoter
Joignant d’elle, près m’acouter[2],
Et ainsi m’aloit amusant,
Et me soufroit tout raconter ;
Mais ce n’estoit qu’en m’abusant.


Elle lui prodiguait même de « doux regards et beaux semblants » qui le pénétraient jusqu’au cœur ; mais quand il voulut les « prendre en sa faveur », elle lui déclara qu’il s’était complètement mépris, et il vit qu’il n’avait plus d’autre ressource que de la fuir. Toutefois il ne l’oublia pas : cinq ans après il se rappelait encore les douces heures de jadis, et c’est toujours en pensant à celle qu’il servait « de bon cœur et loyalement », et qui lui avait été si cruelle, qu’il prétendait mourir « en amour martyr » et avoir été occis par le dard d’Amour. Il faut faire dans tout cela une part aux formules courantes de la poésie du temps ; mais je crois qu’on ne peut méconnaître à certains passages l’accent d’une émotion sincère.

Au milieu de toutes ces distractions et dans une compagnie si mêlée, le jeune maître ès arts « fuyait l’école », où il aurait pu trouver un gagne-pain, et en vint à se faire des ressources d’autre manière. Nous ne savons si dès cette période Villon alla jusqu’au crime, comme l’avaient fait depuis longtemps ses

  1. Et qui plus est. —
  2. M’accouder.