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LA VIE.

et, après une parodie plaisante des lourdes formules de la philosophie scolastique, il termine son petit poème par ce huitain d’une si charmante désinvolture :

Fait au temps de la dite date
Par le bien renommé Villon,
Qui ne menge figue ne date.
Sec et noir comme escouvillon.
Il n’a tente ne pavillon
Qu’il n’ait laissié a ses amis.
Et n’a mais qu’un peu de billon,
Qui sera tantost a fin mis.

Cela devait être rigoureusement exact, mais allait bientôt cesser de l’être. Villon venait peut-être d’écrire ces derniers vers quand il reçut la visite de Colin des Cayeux, avec lequel, pour son malheur, il s’était lié, ainsi qu’avec Regnier de Montigny et autres malandrins de même espèce. Colin venait lui proposer de prendre part à une fructueuse expédition. Ils sortirent et rencontrèrent Gui Tabarie, maître ès arts besogneux, qui avait naguère écrit pour Villon le roman du Pet au diable. Villon lui remit quelque argent, — le « peu de billon » qui lui restait, — pour acheter de quoi souper à la taverne de la Mule[1]. Tous trois s’y installèrent, et y furent rejoints par un prêtre picard appelé Nicolas et un nommé Petit-Jean, qui était fortis operator crochetorum. Ce dernier était indispensable pour l’opération projetée : il s’agissait d’enlever, dans le collège de Navarre, tout proche (c’est l’Ecole polytechnique),

  1. Les taverniers ne donnaient qu’à boire ; si on voulait manger chez eux, il fallait apporter ses provisions.