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LA VIE.

et des documents contemporains, il nous reste à dire quelle impression générale elle nous laisse sur le caractère du « pauvre écolier ».

Il ne faut le juger ni avec trop de sévérité ni avec trop d’indulgence. Il fut assurément un personnage peu recommandable, fainéant, ivrogne, joueur, débauché, écornifleur, et, qui pis est, souteneur de filles, escroc, voleur, crocheteur de portes et de coffres. L’excuse qu’il se donne à lui-même, sur la « nécessité », sur « la faim qui chasse le loup du bois », n’est pas recevable, car il n’encourait cette nécessité et ne souffrait cette faim que parce qu’il avait volontairement renoncé aux moyens honnêtes de gagner sa vie qui étaient à sa disposition. Il était naturellement sensuel et ami du bien-être. Ce qu’il regrette le plus, quand il passe la triste revue de ses fautes, c’est de n’avoir pas « maison et couche molle » ; ce qu’il envie, chez ceux de ses anciens compagnons qui se sont réfugiés dans les couvents, c’est que

Bons vins ont, souvent embrochez[1],
Sausses, brouels et gros poissons.
Tartes, flaons, oefs frits et pochez.
Perdus, et en toutes façons.

Son idéal est naïvement dépeint dans la ballade des Contredits de Franc Gontier, où il représente la vie qu’il aurait rêvée :

<poem> Sur mol duvet assis un gras chanoine. Lez un brasier, en chambre bien natee, A son costé gisant dame Sidoine, Blanche, tendre, polie et atintee[2].

  1. Mis en perce (on ne mettait pas le vin en bouteilles, et on appréciait d’autant plus le vin pris au tonneau que celui-ci était plus fraîchement mis en perce).
  2. Bien attifée.