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FRANÇOIS VILLON.

Boire ypocras a jour et a nuitée,
Rire, jouer, mignonner et baiser...

Préfère qui veut à ces délices le pain bis, les oignons et l’eau claire dont Franc Goutier et sa femme Hélène, dans la ballade à laquelle il répond, se contentent pourvu qu’ils aient la verte courtine des bois et le chant des oiseaux ! Ce n’est pas le goût de Villon :

Tous les oiseaux d’ici en Babiloine
A tel escot une seule journée
Ne me tendroient,


s’écrie-t-il, et il donne pour refrain à sa ballade :

Il n’est trésor que de vivre a son aise !

Mais pour vivre à son aise la première condition à ses yeux est de ne pas travailler : il n’est pas moins paresseux qu’ami du bien-être, et c’est pour cela qu’il n’a pas continué ses études et qu’il a eu recours, pour se procurer les jouissances dont il avait besoin, à des expédients de plus en plus coupables.

Il n’y a rien là qui puisse attirer la sympathie ou même l’indulgence. Mais en condamnant la « mauvaise vie » du poète, nous ne lui refuserons pas les circonstances atténuantes. Il vivait dans un temps où la moralité publique était tombée au-dessous de ce qu’on peut imaginer. Pendant toute la guerre de Cent ans, et surtout dans sa dernière période, le métier d’homme d’armes et celui de brigand n’en faisaient qu’un : piller, voler, rançonner était habituel à des gens qu’on n’en voyait pas moins figurer honorablement dans les plus hautes charges militaires et même civiles. L’effroyable misère qui sévit sur Paris