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FRANÇOIS VILLON.

propre poésie. Ils y trouvaient des matériaux de récits intéressants ou des éléments d’instruction morale, mais ils n’en percevaient pas la beauté ; ils l’utilisaient pour leurs fins particulières sans se douter qu’ils la défiguraient, comme les barons féodaux transformaient les temples ou les mausolées antiques en forteresses à leur usage. La grande révolution qui devait introduire de nouveau dans le monde le sens de la beauté classique avait, cependant, depuis un siècle et demi, inauguré sa première phase en Italie avec Dante, Pétrarque et Boccace ; mais l’esprit de la Renaissance n’avait pas encore pénétré en France ou n’y avait pas été compris. Il est donc inutile de chercher ce que Villon, comme poète, doit à l’antiquité. Il est au contraire d’un grand intérêt, pour l’appréciation de son œuvre et l’assignation de la place qui lui revient dans l’histoire de notre poésie, de savoir où en était cette poésie quand il vint y prendre part à son tour, ce qu’il en a connu, ce qu’il en a utilisé, et par où il y a marqué une empreinte propre et durable. Vers 1450, époque où François de Montcorbier dut recevoir ces premières impressions qui sont le point de départ de toute activité artistique, la poésie française était dans un état singulièrement languissant. La poésie du premier moyen âge avait achevé de s’épuiser, sous toutes ses formes, vers le milieu du xIVe siècle. C’était d’abord l’épopée nationale qui, après avoir passé par plusieurs renouvellements successifs, avait perdu toute vitalité. Les rudes et puissantes chansons de geste du xVIe siècle n’avaient pu se conserver dans la mémoire des hommes qu’en