Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
L’ŒUVRE.

se prêtant à des remaniements qui les avaient dénaturées, affaiblies, délayées et, sous prétexte de les remettre à la mode du jour et de les orner, dépouillées de la grandeur et de la simplicité qui faisaient leur force. Puis on en avait composé de nouvelles qu’animait un tout autre esprit, qui n’avaient plus d’autre objet que l’amusement, et qui, se copiant les unes les autres, étaient devenues de plus en plus banales ou avaient cherché leur succès dans de puérils raffinements de forme. Renouvelées ou nouvelles, les chansons de geste avaient peu à peu complètement passé de mode dans les cercles aristocratiques pour lesquels elles avaient été composées, et les descendants dégénérés des jongleurs, — des aveugles pour la plupart, — les chantaient, non plus dans les cours royales et seigneuriales, mais sur les places publiques, pour le plaisir des bourgeois et du populaire. Depuis le milieu du xIVesiècle, on n’en composait même plus, et, l’effroyable misère de la guerre de Cent ans aidant, les chansons de geste, que l’on copiait encore çà et là, surtout dans les pays picards et wallons, avaient tout à fait cessé de se propager oralement. Un regain de succès attendait quelques-unes de ces anciennes productions du génie national grâce à l’idée qu’on eut, à dater de 1430 environ, de les mettre en prose pour être non plus chantées, mais lues : on diminuait ainsi leur prolixité devenue excessive et on les débarrassait des innombrables hémistiches de pur remplissage amenés par le besoin d’aligner leurs interminables tirades d’alexandrins monorimes. Villon put à peine connaître l’un ou l’autre de ces romans en prose, exécutés pour de