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L’ŒUVRE.

Deschamps, de Froissart et d’autres ; telles sont beaucoup de celles de Christine de Pisan, mais, dans l'œuvre de cette femme au cœur vraiment sensible et à l'esprit délicat, plus d'une, heureusement, échappe à cette convention et nous représente avec sincérité des sentiments vrais et touchants. La maîtrise dans cet art, où nul ne l'avait égalé, où nul ne devait l'égaler, fut atteinte par le duc Charles d'Orléans : il l'atteignit précisément parce qu'il ne prit pas vraiment au sérieux le sujet de sa poésie, qu’il ne traita l'amour que comme un jeu d'esprit et de société ; à beaucoup de grâce, à une délicatesse qui d'ordinaire ne va pas jusqu'à la mignardise, il joignit un don tout personnel d'invention dans le détail, une fertilité de métaphores et d'allégories presque incomparable, qui rappelle d'un côté Pétrarque, moins l'art toujours conscient, de l'autre Henri Heine, moins la profondeur et l'amertume. Villon, quand il fut admis, à vingt-cinq ou vingt-six ans, au château de Blois, lut sans doute les manuscrits qui contenaient les poésies déjà nombreuses de son illustre patron : il dut en être émerveillé, mais le génie qu'il trouvait là était trop différent du sien pour pouvoir notablement l’influencer, et en général toute cette poésie amoureuse n'a laissé dans son œuvre qu'une empreinte assez faible ; elle en a laissé une cependant, ainsi que la poésie d'un genre tout voisin qui, à son époque, était encore plus à la mode, et dont le maître incontesté était Alain Chartier.

Cette poésie consiste essentiellement dans le mélange de l'élément lyrique avec un élément qu'on peut appeler didactique ou moralisant, — enseigne-