Page:Paris - Légendes du Moyen-Âge.djvu/28

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des monts, au lieu dont il a été parlé plus haut[1], pour que Charles pût entendre, et on dit qu’il sonna si fort que Charles l’entendit. Cela paraît une grande merveille à quelques-uns ; mais c’est chose croyable, car du lieu où il sonna jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port, où Charles était campé, il n’y a que six lieues et demie : et on dit en vérité qu’il sonna si fort qu’à la troisième fois le sang lui sortit de la bouche et du nez, et le cor même creva d’un côté, comme je l’ai vu moi-même, de mes yeux, fendu… Après avoir sonné, il retourna à sa tente ; puis, donnant un coup d’œil à son camp détruit, il ne vit plus aucun ennemi ; mais, las et accablé de ce long combat, et de l’effort qu’il avait fait en sonnant du cor, qui lui avait fait sortir le sang de la bouche et du nez, il ne pouvait plus se tenir sur son cheval ; aussi, se rapprochant du pied de la montagne, où est une fontaine qu’on appelle aujourd’hui la fontaine de Roland, construite avec de très beaux ornements, il descendit de cheval et but deux ou trois traits de cette fontaine… Puis il saisit une dernière fois Durendal et en frappa plusieurs coups sur un rocher ; mais il ne put la briser, jusqu’à ce qu’enfin il donna un coup si fort qu’il trancha le rocher, en sorte que l’épée elle-même éclata un peu au-dessous de la garde (je l’ai vue dans la galerie du roi d’Espagne, comme je vous le dirai

  1. Plus haut, il a simplement dit, comme ici : « à la cime des monts », ce qui est vague. Ce détail n’est pas dans Pulci, et il est plus que probable que Laffi l’a inséré d’après les renseignements recueillis à Roncevaux ; il est donc regrettable qu’il n’ait pas précisé davantage.