Page:Parnasse de la Jeune Belgique, 1887.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les Voix


Voix de mon sang qui pleure, et vous, voix de ma chair,
De ma chair pantelante et folle ! Voix pensives
Plus hautes que le cri des houles convulsives,
Taisez-vous, longues voix d’un passé triste et cher !

Taisez-vous, longues voix ! Voix des fleurs paresseuses !
Ô voix, velours des voix, voix des fleurs d’autrefois
Qui rêviez dans sa chair, qui chantiez dans sa voix,
Voix des jasmins lascifs et des roses mousseuses,

Taisez-vous ! Je tairai ma honte et ma rancœur.
Le silence et l’hiver sont entrés dans mon cœur :
Il neige du silence en mon cœur vaste et sombre.

Neige, neige, ô silence, et tâche de couvrir
Ces roses de l’enfer trop lentes à mourir,
Et mon unique amour crucifié dans l’ombre.