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PREMIER FACTUM


tenir leurs auteurs les plus relâchés, dont ce livre n’est qu’un extrait fidèle, répareroient, par leur humilité et par leur silence, le tort qu’ils s’étoient fait auprès de toutes les personnes équitables, par leur témérité et par leur aveuglement.

Mais nous venons de voir que rien n’est capable de réprimer leurs excès. Au lieu de se taire, ou de n’ouvrir la bouche que pour désavouer des erreurs si insoutenables et si visiblement opposées à la pureté de l’Évangile, ils viennent de produire un écrit où ils soutiennent toutes ces erreurs, et où ils déchirent, de la manière du monde la plus outrageuse, le Factum que nous avons fait contre la doctrine corrompue.

C’est ce qui nous oblige à nous élever de nouveau contre cette nouvelle hardiesse, afin qu’on ne puisse pas reprocher à notre siècle que les ennemis de la morale chrétienne aient été plus ardens à l’attaquer, que les pasteurs de l'Église à la défendre ; et qu’il n’arrive pas que pendant que les peuples se reposent sur notre vigilance, nous demeurions nous-mêmes dans cet assoupissement que l’Écriture défend si sévèrement aux pasteurs.

Cet écrit, qui vient d’être publié contre notre Factum, est un nouveau stratagème des jésuites, qui s’y sont nommés, et qui, pour se donner la liberté de le déchirer, sans paroître toutefois offenser nos personnes, disent qu’ils ne le considèrent pas comme venant de nous, mais comme une pièce qu’on nous suppose.

Et encore qu’il ait été fait par nous, examiné et corrigé par huit de nos députés à cette fin, approuvé dans l’assemblée générale de la compagnie, imprimé en notre nom, présenté par nous juridiquement à MM. les vicaires généraux, distribué par nous-mêmes dans nos paroisses, et avoué en toutes les manières possibles, comme il paroît par les registres de notre assemblée des 7 janvier, 4 février et 1er avril 1658 ; il leur plaît toutefois de dire que nous n’y avons point de part : et, sur cette ridicule supposition, ils traitent les auteurs du Factum avec les termes les plus injurieux dont la vérité puisse être outragée. et nous donnent au même temps les louanges les plus douces dont la simplicité puisse être surprise.

Ainsi ils ont bien changé de langage à notre égard. Dans l’Apologie des casuistes, nous étions « de faux pasteurs ; » ici nous sommes « de véritables et dignes pasteurs. » Dans l’Apologie, ils nous haïssoient comme « des loups ravissans ; » ici ils nous aiment comme « des gens de piété et de vertu. » Dans l’Apologie. ils nous traitoient « d’ignorans ; » ici nous sommes « des esprits éclairés et pleins de lumière. » Dans l’Apologie, ils nous traitoient « d’hérétiques et de schismatiques ; » ici « ils ont en vénération non-seulement notre caractère, mais aussi nos personnes. » Mais, dans l’un et l’autre ouvrage, il y a cela de commun, qu’ils défendent, comme la vraie morale de l’Église, cette morale corrompue. Ce qui fait voir que leur but n’était autre que d’introduire leur pernicieuse doctrine, ils emploient indifféremment, pour y arriver, les moyens qu’ils y jugent les plus propres ; et qu’ainsi ils disent de nous que nous sommes des loups ou de légitimes pasteurs, selon qu’ils le jugent plus utile pour autoriser ou pour défendre leurs erreurs : de sorte que le