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Page:Pascal - Pensées, éd. Havet.djvu/103

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ARTICLE II.

et animum arcendi[1] ; et alors l’homme est abject et vil. Voilà les deux voies qui en font juger diversement, et qui font tant disputer les philosophes. Car l’un nie la supposition de l’autre : l’un dit : Il n’est pas né à cette fin, car toutes ses actions y répugnent ; l’autre dit : Il s’éloigne de sa fin quand il fait ces actions basses.


Deux choses[2] instruisent l’homme de toute sa nature, l’instinct et l’expérience.

11.

Je sens[3] que je peux n’avoir point été : car le moi consiste dans ma pensée ; donc moi qui pense n’aurais point été, si ma mère eût été tuée avant que j’eusse été animé. Donc je ne suis pas un être nécessaire. Je ne suis pas aussi éternel, ni infini ; mais je vois bien qu’il y a dans la nature un être nécessaire, éternel et infini.


ARTICLE II.
1.

Nous ne nous contentons pas[4] de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire, et nous nous effor-

  1. « Animum arcendi. » Définition prise sans doute de quelque physique latine des écoles, l’instinct d’arrêter, l’instinct du chien d’arrêt.
  2. « Deux choses. » L’instinct, qui aspire à tout, nous apprend notre grandeur ; l’expérience, qui nous fait voir que nous n’arrivons à rien, nous convainc de notre faiblesse. C’est là toute notre nature, suivant Pascal.
  3. « Je sens. » Pascal ne fait ici que résumer Descartes.
  4. « Nous ne nous contentons pas. » Nous n’avons plus l’original de cette pensée, mais l’authenticité ne m’en parait pas douteuse ; le fond et la forme y sont très-dignes de Pascal. — Que ce début est moqueur !