çons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et à conserver cet être imaginaire[1], et nous négligeons le véritable. Et si nous avons ou la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus à cet être d’imagination : nous les détacherions plutôt de nous pour les y joindre ; et nous serions volontiers poltrons[2] pour acquérir la réputation d’être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n’être pas satisfait de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent à l’un pour l’autre ! Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-là serait infâme.
La douceur[3] de la gloire est si grande, qu’à quelque chose qu’on l’attache, même à la mort, on l’aime.
Orgueil[4], contre-pesant toutes les misères. Ou il cache ses misères ; ou, s’il les découvre, il se glorifie de les connaître.
L’orgueil nous tient d’une possession si naturelle au milieu de nos misères, erreurs, etc. Nous perdons encore la vie avec joie, pourvu qu’on en parle.
La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme, qu’un
- ↑ « Cet être imaginaire. » Voilà un dédoublement de l’homme bien piquant : nous les détacherions plutôt de nous, trait excellent, qui n’est que l’idée qui précède : attacher ces vertus à cet être d’imagination, poussée plus loin.
- ↑ « Et nous serions volontiers poltrons. » Même idée, poussée jusqu’au bout. Cela est plein de verve ; c’est le même talent d’ironie que dans les Provinciales.
- ↑ « La douceur. » En titre dans le manuscrit : Métiers. Cette pensée se rattachait sans doute à des réflexions sur le métier des soldats. Cf. iii, 4.
- ↑ « Orgueil. » En titre, Contradiction.