Quand je m’y suis mis[1] quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent[2] tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siége d’une place. On n’achètera une charge à l’armée si cher que parce qu’on trouvera insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne recherche la conversation et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.
Mais quand j’ai pensé[3] de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison[4], j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près[5].
Quelque condition qu’on se figure, si l’on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté[6] est le
- ↑ « Quand je m’y suis mis. » Cet y n’est qu’un pléonasme.
- ↑ « D’où naissent. » D’où se rapporte à ces agitations.
- ↑ « Mais quand j’ai pensé, » On voit la suite des idées : Quand je m’y suis mis, j’ai dit… ; mais quand j’ai pensé de plus près, j’ai trouvé.
- ↑ « La raison. » La raison de cette cause.
- ↑ « Nous y pensons de près. » Les éditeurs de P. R. ont intercalé ici deux alinéas de leur composition, dont l’intention est assez indiquée par cette première phrase : « Je ne parle que de ceux qui se regardent sans aucune vue de religion ; car il est vrai que c’est une des merveilles de la religion chrétienne de réconcilier l’homme avec soi-même, » etc. Ils ont peur qu’on n’entende pas le fond de la pensée de Pascal.
- ↑ « Si l’on assemble… la royauté. » Anacoluthe, ou défaut de suite dans la phrase, tel qu’on en laisse échapper en parlant.