comme on veut, parce que c’est une qualité palpable, au lieu que la justice est une qualité spirituelle dont on dispose comme on veut, on a mis la justice entre les mains de la force ; et ainsi on appelle juste ce qu’il est force d’observer.
Il est juste[1] que ce qui est juste soit suivi : il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante : la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants : la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, et que ce qui est fort soit juste.
La justice est sujette à disputes : la force est très-reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste : et ainsi ne pouvant faire[2] que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.
Quand il est question de juger si on doit faire la guerre et tuer tant d’hommes, condamner tant d’Espagnols[3] à la mort, c’est un homme seul qui en juge, et encore intéressé : ce devrait être un tiers indifférent.
- ↑ « Il est juste. » En titre : Justice, Force.
- ↑ « Et ainsi ne pouvant faire. » De telles paroles ont dû être inspirées à Pascal par les persécutions dont P. R. était l’objet de la part des pouvoirs établis. La Sorbonne, le Conseil du Roi n’avaient pas raison, mais ils étaient les plus forts, et ils avaient fait que ce qui était fort fût juste. — Voir dans les Pensées de Nicole la 73e : La religion chrétienne attache sans erreur la justice à la force.
- ↑ « Tant d’Espagnols. » Il semble que cela a pu être écrit vers le temps des négociations qui aboutirent au traité des Pyrénées, et que Pascal