Page:Pascal - Pensées, 2e édition G. Desprez, 1670.djvu/353

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nous ne nous fâchons pas, si on dit que nous avons mal à la tête, et que nous nous fâchons de ce qu’on dit que nous raisonnons mal, ou que nous choisissons mal. Ce qui cause cela, c’est que nous sommes bien certains que nous n’avons pas mal à la tête, et que nous ne sommes pas boiteux. Mais nous ne sommes pas si assurés que nous choisissions le vrai. De sorte que n’en ayant d’assurance, qu’à cause que nous le voyons de toute notre vue, quand un autre voit de toute sa vue le contraire, cela nous met en suspens et nous étonne, et encore plus quand mille autres se moquent de notre choix ; car il faut préférer nos lumières à celles de tant d’autres, et cela est hardi et difficile. Il n’y a jamais cette contradiction dans les sens touchant un boiteux.

[§] Le peuple a les opinions très saines ; par exemple, d’avoir choisi le divertissement et la chasse, plutôt que la poésie : les demi-savants s’en moquent, et triomphent à mon-