Page:Pasteur - Œuvres complètes, tome 6.djvu/13

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inoculés, les uns avec la salive, les autres avec le sang des premiers lapins. La mort fut plus rapide encore. On continua ainsi, un grand nombre de fois, à inoculer des lapins, soit avec le sang, soit avec la salive des lapins morts ; les résultats furent les mêmes. Dans les inoculations par la salive, on eut soin de s’assurer que celle-ci n’était pas sanguinolente. Au microscope même on n’y voyait pas de globules sanguins. Les inoculations du sang frais amenaient la mort, en moins de vingt-quatre heures le plus souvent.

À l’autopsie, et pour les deux ordres d’inoculations, les lapins montrèrent les mêmes lésions. Ce qui frappe l’observateur en premier lieu, lorsqu’on découvre l’abdomen, où furent pratiquées sous la peau les inoculations, c’est un système veineux plus apparent que dans les autopsies à la suite de morts pour affections communes. Les désordres au point d’inoculation sont faibles, excepté lorsque la mort a un peu tardé. Dans ce cas, le tissu cellulaire est injecté dans la région de la piqûre, avec présence de pus et d’un tissu de nouvelle formation, dur, purulent, qui fait adhérer les parois de la peau aux muscles de l’abdomen. Ce qui mérite davantage l’attention, c’est le gonflement des ganglions à droite et à gauche de la trachée, aux aines et aux aisselles, même du côté opposé à celui où on a pratiqué l’inoculation ; c’est également l’état hémorragique de ces ganglions.

Le tissu cellulaire aux aines et aux aisselles et dans la région inoculée est presque toujours emphysémateux. Les poumons sont fréquemment remplis de noyaux d’apoplexie pulmonaire. Un caractère plus constant que ce dernier (non plus constant toutefois que celui qui est relatif au volume et à la couleur des ganglions), c’est l’état de la trachée, qui est à peu près invariablement rouge, congestionnée, avec de petites hémorragies des vaisseaux les plus fins. On y trouve même parfois de véritables caillots sanguins et du mucus spumeux teinté de sang. Le sang lui-même est plus ou moins liquide, mal coagulé, noir et agglutinatif, quelquefois presque à l’égal de ce qu’il est dans l’affection charbonneuse. Quant aux symptômes extérieurs, l’inappétence est prompte à apparaître non que les lapins n’essayent de manger, mais parce qu’ils cessent de le faire longtemps avant que leur nourriture soit épuisée. L’inappétence se montre parfois déjà cinq ou six heures après l’inoculation. Dans les dernières heures de la vie, on constate de la faiblesse dans les mouvements, avec tendance à la paralysie, qui est souvent manifeste[1]. Puis, en général,

  1. Je fais observer toutefois que cette paralysie parait dépendre bien plus des lésions aux aines et aux aisselles que d’une lésion cérébrale, tout au moins dans la plupart des cas.