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EXPERIENCES FAITES AVEC LA SALIVE D’UN ENFANT MORT DE LA RAGE[1]

Messieurs,

Les faits dont j’ai à vous entretenir sont très nets, très positifs, faciles à reproduire dans des conditions toujours identiques ; mais il vous semblera sans doute, comme à moi, qu’il est actuellement impossible d’en donner une explication satisfaisante.

Le 11 décembre dernier, mourait de la rage, à l’hôpital Sainte-Eugénie, dans le service de M. le docteur Lannelongue, un enfant de cinq ans, qui avait été mordu, un mois auparavant (10 novembre), par un chien enragé. La rage n’était pas douteuse aucun des caractères classiques ne faisait défaut : agitation, insomnie permanente, hydrophobie très accusée, violents accès de pharyngisme dès qu’on soufflait sur un point quelconque du corps. L’incubation avait été de vingt-six jours, la durée des accidents de quatre jours.

Obligeamment averti par le docteur Lannelongue, je pus, le 11 décembre, quatre heures après la mort de l’enfant, prendre moi-même, à l’aide d’un pinceau très propre, un peu de mucus à la voûte palatine. Une partie du mucus recueilli fut conservée pour des essais de culture, ainsi qu’une petite quantité de sang prise dans une veine superficielle de la cuisse ; l’autre partie du mucus fut délayée dans un peu d’eau distillée et inoculée immédiatement à deux lapins ; ces animaux moururent en trente-six heures, pendant la nuit, sans qu’on ait pu les observer ; l’inoculation de leur salive à d’autres lapins donna les mêmes résultats : mort très rapide, précédée parfois de symptômes de paralysie lombaire, mais surtout de convulsions pré-agoniques intenses, n’ayant pas le caractère des accidents rabiques tels qu’on les observe d’ordinaire ; mêmes résultats lorsqu’on inoculait de la salive prise avant la mort.

  1. Recueil de médecine vétérinaire (Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, séance du 18 janvier 1881), LVIII, 1881, p. 150-152 et (discussion) p. 152-155.