Page:Pasteur - Œuvres complètes, tome 6.djvu/7

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Dans tous les cas, le sang de ces animaux renfermait en grande abondance un organisme nouveau, que je n’avais encore jamais vu, et qui se rapproche, au point de vue morphologique, mais non physiologique, du microbe du choléra des poules ; il a, en effet, la forme d’un bâtonnet très court, rétréci en son milieu, analogue à un 8 de chiffre, d’un diamètre de 1/1000 de millimètre au moins, entouré d’une substance gélatiniforme, ayant l’aspect d’une auréole pâle. Cet organisme est cultivable dans le bouillon de poulet, dans le bouillon Liebig, mais surtout dans le bouillon de veau ; dans le liquide de culture, l’auréole disparaît et les bâtonnets se disposent en chapelets, très allongés, et de formes variées ; avec le temps, ils disparaissent, laissant à leur place des globules sphériques d’un plus petit diamètre. Cet organisme nouveau est cultivable indéfiniment et se reproduit toujours avec les mêmes caractères.

Tous ces liquides de culture sont virulents et reproduisent toujours la même affection chez les lapins auxquels on les inocule ; le sang des animaux d’expérience renferme toujours le même organisme ; l’ancienneté des cultures paraît diminuer leur virulence, les effets de l’inoculation sont alors plus lents à se produire.

En dehors des altérations du sang, l’autopsie révèle des lésions très accusées : tous les ganglions lymphatiques, surtout ceux de l’aine, de l’aisselle, de l’entrée de la poitrine, sont tuméfiés, congestionnés, hémorragiques ; tous les vaisseaux périphériques sont gorgés de sang ; la muqueuse de la trachée et des bronches est elle-même congestionnée, hémorragique ; on y peut même rencontrer des caillots fibrineux diffluents ; les poumons offrent, à leur surface et dans leur épaisseur, une multitude de taches noirâtres comme dans l’asphyxie.

Voilà donc une maladie nouvelle qui se reproduit indéfiniment, toujours identique à elle-même, lorsqu’on inocule au lapin le sang qui renferme l’organisme que je vous décrivais tout à l’heure, ou cet organisme lui-même obtenu à l’état de pureté par une série de cultures successives.

Cette maladie n’est pas la rage ; ses symptômes, ses lésions, l’absence presque absolue d’une période d’incubation, sont en opposition avec ce que nous savons de la rage, et cependant le microbe qui en est la condition nécessaire et suffisante provient d’un enfant qui, sans aucun doute, est mort enragé.

Quelles relations y a-t-il entre cette maladie et la rage ? Pour résoudre cette question qui permet bien des hypothèses, j’ai essayé de transmettre au chien cette maladie nouvelle qui n’est pas la rage, tout en semblant en provenir ; chose étrange, le chien, ordinairement