Page:Pasteur - Recherches sur la dissymétrie moléculaire des produits organiques naturels, 1860.djvu/19

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était dans sa pensée la conséquence de cette similitude :

La nature, le nombre, l’arrangement et la distance des atomes sont les mêmes. S’il en est ainsi, que devient donc cette définition de l’espèce chimique si rigoureuse, si remarquable pour le temps où elle a paru, donnée en 1823 par M. Chevreul ? Dans les corps composés l’espèce est une collection d’êtres identiques par la nature, la proportion et l’arrangement des éléments.

Bref, la note de M. Mitscherlich m’était restée dans l’esprit comme une difficulté de premier ordre dans notre manière de considérer les corps matériels.

Chacun comprendra maintenant qu’étant préoccupé, et pour les raisons que j’ai dites, d’une corrélation possible entre l’hémiédrie des tartrates et leur propriété rotatoire, la note de M. Mitscherlich, de 1844, dût me revenir à la mémoire. M. Mitscherlich, pensai-je aussitôt, se sera trompé sur un point. Il n’aura pas vu que son tartrate double était hémiédrique, que son paratartrate ne l’était pas, et si les choses sont telles, les résultats de sa note n’ont plus rien d’extraordinaire ; et j’aurai là en outre le meilleur criterium de mon idée préconçue sur la corrélation de l’hémiédrie et du phénomène rotatoire.

Je m’empressai donc de reprendre l’étude de la forme cristalline des deux sels de M. Mitscherlich. Je trouvai, en effet, que le tartrate était hémiédrique comme tous les autres tartrates que j’avais étudiés antérieurement, mais, chose bien étrange, le paratartrate se montrait également hémiédrique. Seulement les faces hémiédriques qui, dans le tartrate, avaient toutes le même sens, s’inclinaient dans le paratartrate, tantôt à droite, tantôt à gauche. Malgré tout ce qu’il y avait d’inattendu dans ce résultat, je n’en poursuivis pas moins mon idée. Je séparai avec soin les