Page:Pasteur - Recherches sur la dissymétrie moléculaire des produits organiques naturels, 1860.djvu/36

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corps dissymétrique à l’aide de composés qui ne le sont pas.

Mais il me paraissait plus raisonnable de croire que l’acide aspartique de M. Dessaignes différait de l’acide aspartique naturel notamment par l’absence de la propriété rotatoire moléculaire. M. Dessaignes, il est vrai, avait comparé avec soin les propriétés de l’acide artificiel avec celles de l’acide naturel, et il les avait, disait-il, trouvées identiques. Mieux que personne, par l’exemple de M. Mitscherlich, dont j’ai parlé dans la dernière séance, je savais combien ces constatations d’identités d’espèces chimiques étaient choses délicates, dans des études où la plus grande similitude de propriétés cache souvent de profondes différences. Je n’hésitai donc pas à croire que le fait nouveau annoncé par M. Dessaignes avait besoin de confirmation.

J’attachais tant d’importance à éclaircir cette question et dans la prévision même des résultats que je vais avoir l’honneur de vous exposer, que je fis immédiatement le voyage de Vendôme, où je rendis compte de mes préoccupations à M. Dessaignes, qui s’empressa de me remettre un échantillon de son acide aspartique. Dès mon retour à Paris, je reconnus, en effet, que l’acide de M. Dessaignes n’était qu’un isomère de l’acide aspartique naturel, c’est-à-dire de l’acide dérivé de l’asparagine, et il en différait, comme je l’avais prévu, par la propriété rotatoire, tout à fait absente dans l’acide artificiel, non douteuse dans l’acide naturel. Mais toutes les autres propriétés physiques et chimiques offraient les plus grandes analogies, si grandes que M. Dessaignes, qu’aucune idée préconçue ne mettait en garde, avait conclu à l’identité réelle des deux substances.

Ce qui me séduisait le plus dans l’examen du nouveau composé (qui par lui-même n’offre pas de combinaisons cristallisables bien remarquables), c’était sa