Page:Pastoret - Ordonnances des rois de France de la troisième race, tome 19.djvu/5

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celle que tous les biens du pays conquis leur appartenoient, et que c’étoit les rendre que de les laisser aux anciens propriétaires. Mais on peut affirmer qu’en général la manière dont ils traitoient les provinces qui passoient sous leur empire varioit en proportion des efforts faits pour leur résister : n’en avoient-elles fait aucun, une grande liberté devenoit leur récompense, et cette liberté alioit quelquefois jusqu’à une exemption des impôts ou de la plus grande partie au moins ; avoient- elles opposé long-temps la force à la force et le courage au courage, une domination plus pénible leur faisoit expier une résistance si naturelle, et les tributs qu’on exigeoit n’en étoient pas la moindre punition. De là, cette division des peuples soumis en vectigales et immunes.

L’impôt, pour ceux qui devoient le payer, netoit pas toujours assis de la même manière : il étoit fixe ou indéterminé, certain ou incertain ; distinction qui rentre dans le partage en tributum et vectigal. Le tributum étoit payé à raison de la personne et des biens qu’elle possédoit, comme la capitation et une sorte de taille personnelle, ou, si l’on veut, une capitation qui, au lieu d’être exigée à raison de la profession qu’on exerce, le seroit à raison de la fortune territoriale : on payoit le second à raison du transport, de l’entrée, du passa^. de la vente des marchandises, ou comme une espèce d’abonnement pou l’¬ avoir le droit de jouir en liberté du reste de ses fruits et de toutes les productions de ses terres [1].

TRIBUTUM, CAPUT, INDICTIO.

Varron [2] fait dériver tributum de tribubus, parce que l’argent dont le peuple ordonnoit la levée tribtitim a singulis pro portione censûs exigebatur. Le cens est le dénombrement des têtes et des arpens ; il devoit être fait avec égalité, ou, dans le cas contraire, des inspecteurs particuliers, nommés perœquatores, rétablissoient la balance. L’impôt désigné sous le nom de caput se levoit effectivement par tête : on ne le payoit pas cependant d’une manière uniforme ; les riches payoient trois capitations, tandis que les pauvres étoient réunis plusieurs pour en payer une seule. Sidoine Apollinaire avoit été d’un parti contraire à Majorien, qui triompha et devint Empereur : le Prince, alors dans les Gaules, à Lyon, ordonna de lui faire payer trois capitations au lieu d’une [3] ; ce qui semble prouver que, si l’on prenoit ordinairement la fortune pour mesure de cet impôt, on en redoubloit quelquefois la quotité par forme de punition. Près d’un siècle auparavant, Valentinien et Valens avoient donné une loi pour diviser et subdiviser cet impôt en différentes portions : jusqu’à eux, tout homme avoit au moins fourni une

  1. Les Grecs distinguoient de même l’étoit pour les biens et les personnes, τέλος et φόρος. Φόρος revient à tributum, et τέλος à vectigal : celui-ci étoit perçu pour les marchandises, celui-là l'étoit pour les biens et les personnes.
  2. De linguâ latinâ, liv. IV, vers la fin.
  3. Voir ci-après, p. xxxix.