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V
l’union tolstoï

Les trois camarades s’étaient engagés dans l’escalier, pendant qu’Adhémar prononçait ce discours avec cette volubilité étourdie qui était la sienne, et elle semblait la naturelle expansion d’un personnage léger, de cette incurable légèreté qui s’associait à la plus abstraite idéologie dans la noblesse française du dix-huitième siècle. Des gentilshommes philosophes d’alors, Rumesnil avait le masque spirituel : un air vif, des yeux clairs à fleur de tête, d’une mobilité singulière, la bouche gourmande et rieuse. Il était grand, bien pris dans une taille fine, très blond avec un teint blanc et rose de jeune fille, la moustache floconneuse, quelque chose d’insolent et de presque effronté dans toute son allure, mais aussi une grâce irrésistible, quand il voulait plaire. Ses jolies façons avaient tellement attiré Jean, lorsqu’ils s’étaient rencontrés, dans ce même Louis-le-Grand où il avait connu Crémieu-Dax ! Elles accroissaient encore son malaise à présent. Plus il trouvait son ancien condisciple